Troisième édition du prix littéraire des enseignants de l'académie de Créteil

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Mercredi 13 mars, les membres du jury ont rencontré les 10 écrivains de la sélection !

Mercredi 13 mars, les membres du jury ont rencontré les 10 écrivains de la sélection !

C’est dans une salle comble, que se sont rassemblés tous les membres du jury et du comité de lecture, le mercredi 13 mars 2024, au Centre National du Livre à Paris, pour un temps d'échanges avec l’ensemble des écrivains en lice pour le prix littéraire des enseignants de l’académie de Créteil. Fanta Drame, présidente du jury, nous avait confié que les 36 jurés étaient très excités par cette rencontre. Cette après-midi intense et chaleureuse a été à la hauteur voire au-delà de leurs espérances. Le plaisir était partagé par les auteurs qui se sont tous prêtés au jeu des questions-réponses.

Un grand merci pour leur accueil aux personnels du Centre national du livre et à nos trois autres partenaires qui étaient présents : la Maison des écrivains et de la littérature de Paris, l’École de la librairie de Maisons-Alfort et la Médiathèque Nelson Mandela de Créteil.

Entretiens – mots choisis

- Éric Chacour Ce que je sais de toi (Éditions Philippe Rey)

Connecté depuis le Canada, Éric Chacour a parlé de son roman dont l’action se déroule en Égypte, pays dont ses parents sont originaires. Les lecteurs ont salué les incroyables portraits de femmes et les portraits d’hommes tout en finesse.

D’où vient l’idée de l’emploi du « tu » ?
Jouer avec le lecteur à la manière d’Agatha Christie que j’adore ; faire en sorte que le narrateur ne puisse pas être identifié de suite.

Une préférence pour un personnage ?
J’écris selon un plan très précis mais les contours des personnages sont flous. Ils prennent vie au fur et à mesure de l’écriture. J’ai découvert, de chapitre en chapitre, une vraie tendresse envers la domestique.

Des inspirations ?
Roméo et Juliette de William Shakespeare, Le cercle des poètes disparus de Nancy H. Kleinbaum, Les cerfs-volants de Romain Gary.

- Julia Kerninon Sauvage (Éditions L’Iconoclaste)

Connexion suivante avec Julia Kerninon et son roman qui fait la part belle aux personnages féminins et interroge sur la place des femmes dans la société. Un livre qui donne envie d’aller en Italie pour savourer un bon repas dans un restaurant.

Pourquoi Rome ?
Une évidence, j’y ai effectivement vécu plusieurs années.

Cet ouvrage questionne l’équilibre entre le temps de travail et la vie personnelle. Il nous questionne aussi sur ce que doit nous apporter le travail : de l’argent ou de la reconnaissance ?
J’ai voulu montrer un monde dans lequel les femmes ont de l’ambition dans le domaine professionnel.
Les rôles entre les protagonistes sont à l’inverse de ceux qui ont traditionnellement lieu dans un couple hétérosexuel : cela constitue une façon malicieuse de dénoncer certaines choses.

D’où vient le personnage masculin ?
J’ai créé ce personnage tel que j’aimerais voir un homme.
Cet homme fantasmé a suscité l’intérêt de plusieurs lectrices de l’assistance qui ont demandé où elles pouvaient le rencontrer !

- Franck Courtès À pied d'œuvre (Éditions Gallimard)

Il fait déjà chaud dans la salle lorsque Franck Courtès prend place. Dans son dernier roman, l’ancien photographe raconte la précarité qu’il a connue en tant qu’écrivain. Un roman original aux yeux du jury car présentant un changement de classe inversé.

Passer de la photographie à l’écriture, le regrettez-vous ? Écrivez-vous comme vous photographiez ?
Non, je n’ai jamais regretté ma décision d’aller vers l’écriture, malgré les difficultés. Peut-être quelques moments de doute ?
Mon travail d’écrivain est probablement empreint de mon œil de photographe. Je réduis le cadre, crée de la tension.

Votre roman décrit un changement de classe, pourquoi ce sujet ?
Étant né dans un milieu bourgeois, je ne connaissais pas la valeur de l’argent. J’ai voulu écrire sur cet état de pauvreté qui rend les gens dociles.

Quelle est la part de l’autobiographie et celle du romancé ?
Tout ce qui est décrit dans le roman est inspiré de faits vécus. Mais je ne voulais pas écrire uniquement le réel. L’ordonnancement des scènes, le point de vue du narrateur, les notes d’humour sont fondamentales pour moi. Je voulais surtout que ce livre reste le prix de la liberté.

- Dominique Fabre Gare Saint-Lazare (Éditions Fayard)

Dominique Fabre entre ensuite dans la salle et nous offre un beau moment de poésie.

Comment avez-vous eu l’idée de ce roman ?
Cette gare a longtemps fait partie de ma vie. Lorsque la pharmacie a déménagé, j’ai été très étonné de ne pas avoir été consulté à ce sujet ! J’ai commencé par cette « anecdote » et cela a donné un livre.

Le personnage de la mère est essentiel dans votre histoire. Est-ce le personnage central ?
J’ai brossé plusieurs portraits de personnages croisés dans la gare. J’ai eu besoin de faire une grande place à ma mère avec qui je ne m’entendais pas très bien. C’est un peu un livre de deuil pour moi. Cependant, le personnage central, c’est la gare. La gare qui ne peut pas être épuisée. C’est elle qui nous épuise.

On ressent beaucoup d’autres arts à la lecture du roman, peinture, photographie, poésie. Était-ce voulu ?
J’ai démarré une courte carrière de photographe il y a longtemps. Je me considère même comme un photographe raté. J’en ai sûrement gardé un œil particulier. Quant à la poésie, j’en écrit oui, même si je ne publie pas. J’écris où les mots me portent surtout.

- Julie Héraclès Vous ne connaissez rien de moi (Éditions Jean-Claude Lattès)

Retour à la connexion avec Julie Héraclès pour un roman qui nous plonge dans la Seconde guerre mondiale, entre résistance et collaboration.

Quel est le point de départ de votre envie d’écrire à ce sujet ?
C’est une photographie prise par Robert Capa à Chartres, ma ville natale, où l’on voit une femme tondue avec son nourrisson. J’ai voulu donner une voix à cette femme.

Nous sommes donc dans l’histoire de l’Histoire ?
Le travail de documentation était nécessaire et important pour reconstituer le puzzle de la vie de cette femme.
Mais il s’agit surtout pour moi d’écrire un roman et de créer à partir des blancs de cette histoire.

C’est donc un portrait de femme ?
Il s’agit surtout d’explorer la destinée humaine et de montrer comment l’ombre et la lumière se côtoient. Je souhaitais écrire un roman sensoriel, qui mobilise tous les sens.

- Neige Sinno Triste tigre (Éditions P.o.l)

Depuis le Mexique, Neige Sinno a répondu aux questions du jury sur son livre qui mélange le récit et la fiction et dit l’indicible.

Comment avez-vous choisi le titre ?
Il fait directement référence au roman Trois tristes tigres de l'écrivain Guillermo Cabrera Infante, Cubain exilé en Espagne, et au film éponyme réalisé par Raoul Ruiz

Qu’est-ce qui a présidé au choix de la première personne ?
Je voulais proposer aux lecteurs de se mettre dans la tête de quelqu’un qui a subi un inceste enfant et qui regarde cela avec un regard d’adulte. Quand j’ai commencé à écrire, j’ai su que cela ferait un livre quand j’ai vu que je pourrais être la lectrice de ma propre histoire. Ce « je » est à la fois la petite fille que j’étais et la femme que je suis devenue.

La forme du récit est très atypique. Est-ce un roman ?
Le récit prend une forme spiralaire, comparable aux mécanismes de la pensée lors d’un traumatisme.Le livre est contenu dans sa forme : il est à la fois une fiction même si rien n’est inventé, et une expérience autobiographique. C’est surtout une aventure de l’intelligence.

- Rachid Benzine Les silences des pères (Éditions Seuil)

Rachid Benzine nous a parlé depuis New-York de son quatrième ouvrage qui raconte notamment la difficulté d’être père quand on n’a pas été paterné.

Outre le lien direct à Keith Jarrett, votre roman est très musical !
Effectivement, j’ai écrit comme une musique de jazz, avec pour leitmotiv le silence et les variations. J’avais besoin de faire échos à ces silences des pères.

Les silences justement, quels sont-ils selon vous ?
Il existe plusieurs types de silence : on peut se taire par honte, par pudeur ou pour protéger ses enfants et ne pas alourdir leur « cartable » avec des pierres. Le silence est la seule liberté qu’il reste dans une société du bruit.

Ce roman est également une épopée ?
Effectivement, je voulais faire de la place, avec bienveillance, à ceux qui ont connu l’exil et qui ne parlent pas des souffrances qu’ils ont endurées.

- Laurent Binet Perspective(s) (Éditions Grasset)

C’est depuis la Grèce que Laurent Binet nous livre les secrets cachés de son roman, ou presque… Un roman qui dresse le portrait de la société italienne du milieu du XVIe siècle et prend la forme d’un multi-échange épistolaire.

Avant tout bienvenue parmi nous ! Vous avez fait partie des nôtres il nous semble ?
J’ai effectivement enseigné en Seine-Saint-Denis avant de me consacrer à l’écriture.

Votre roman est-il plus historique que policier ?
Je me suis beaucoup documenté avant d’écrire, notamment en me rendant à plusieurs reprises en Toscane et à Florence. Je voulais absolument que tout soit réel ou crédible. La partie policière est l’œuvre du romancier, et pour celle-ci, j’ai fait des fiches ! Mais je ne suis pas allé jusqu’au tableau au mur…

Les sujets abordés sont nombreux. Est-ce ce qui explique le titre Perspective(s) ?.
Les 176 lettres abordent l’art, la religion, la politique ou encore les relations entre les hommes et les femmes.
Ce titre peut expliquer la multiplicité des points de vue mais je laisse au lecteur tirer sa propre conclusion.

- Sabine Garrigues Rien n'est su (Éditions Le Tripode)

Sabine Garrigues entre dans la salle sous un rayon de soleil qui semble venir d’elle-même.

Rien n’est su est votre premier livre. Comment avez-vous fait ce choix d’écriture très singulier ?
J’ai choisi la forme poétique pour raconter la crudité du monde. La forme d’écriture m’est venue naturellement, comme est ma façon de m’exprimer.

Ce livre fait-il partie de votre reconstruction personnelle ? Est-ce son résultat ?
En tant que comédienne et professeure de yoga, la parole et la respiration sont des piliers de ma vie. Le yoga a pris une énorme place dans mon travail de reconstruction. L’écriture a pris le relai.

En effet, le rythme est fondamental dans votre choix d’écriture.
Je ne voulais pas écrire sur la douleur mais plus sur le vide, empreint de calme et de beaucoup d’amour. Mais je n’ai pas écrit dans le vide. J’ai écrit dans le rythme de celui-ci, dans sa respiration.

- Sorj Chalandon L'enragé (Éditions Grasset)

Enfin, the last but not the least, Sorj Chalandon.

Le sujet de votre livre a déjà fait l’objet d’une parution. Qu’est-ce qui vous a conduit à écrire sur cette histoire ?
Mon père me menaçait, enfant, de m’envoyer dans ce centre. Lorsque j’ai compris que ce centre existait vraiment, j’ai réalisé qu’il ne mentait pas –sur ce point- et que j’aurais pu être un de ces enfants.
J’ai été cette « teigne », aussi. J’ai écrit l’histoire de cet enfant qui a dû desserrer les poings pour saisir les mains tendues.

La première partie est extrêmement forte dans la violence des mots. C’est un choix délibéré ?
L’ancien bègue que je suis respecte les mots ; le mot juste est fondamental pour moi. Il n’y a jamais de violence gratuite dans le livre. Il s’agit de faire ressentir ce que ces enfants ont vécu, de montrer qu’on ne naît pas teigne, on le devient.

Comme votre héros qui devient quelqu’un ?
Oui, je voulais montrer la façon dont on se construit et devient quelqu’un de bien en dépit de toute la violence et le harcèlement qu’on peut subir. Pour ma part, en tant qu’ancien correspondant de guerre, la violence que j’ai subie s’est effacée face aux violences auxquelles il a assisté.

Les participants sont restés concentrés et très attentifs tout au long de l’après-midi et à l’issue de cet événement, les jurés n’ont rien laissé paraître : ils ne diront rien avant la révélation du lauréat ou de la lauréate !

Prochain rendez-vous le mercredi 24 avril pour un dernier échange entre jury avant le vote !

Créé durant l’année scolaire 2021-2022 dans le cadre de la grande cause nationale dédiée à la lecture, le prix littéraire des enseignants de l’académie de Créteil est reconduit pour l’année scolaire 2023-2024.

Cette troisième édition réunira trente-six enseignants issus des trois départements de l’académie de Créteil (12 par département). De tous niveaux de la maternelle au lycée et toutes disciplines, ces professeurs auront la grande responsabilité de choisir un lauréat parmi les romans francophones de la rentrée scolaire et littéraire de septembre 2023.

La présidence du jury est assurée par un écrivain qui est également enseignant dans l’académie de Créteil. Après Emmanuelle Bayamack-Tam en 2021-2022 et Vincent Almendros en 2022-2023, le jury sera présidé cette année par Fanta Dramé, l’autrice d’Ajar-Paris qui a été publié l’an passé aux éditions Plon. Enthousiasmée par cette belle aventure littéraire, Emmanuelle Bayamack-Tam reste la marraine du prix.

Les objectifs de ce prix sont multiples : proposer aux enseignants de l’académie de se rencontrer, d’échanger, de partager autour de la lecture ; mais aussi rappeler que les professeurs sont des amoureux des livres, des passeurs de la littérature, semant auprès de leurs élèves des graines de mots et de phrases.

Le mercredi 10 janvier 2024, à l’occasion de l'installation du jury, les dix romans francophones en compétition ont été dévoilés.

Quatre partenaires nous accompagnent dans cette aventure, et proposent notamment chacun un ouvrage sélectionné d’office :
- la Maison des écrivains et de la littérature de Paris ;
- Le Centre national du livre ;
- l’École de la librairie de Maisons-Alfort ;
- la Médiathèque Nelson Mandela de Créteil.

Peu avant la fin de l’année scolaire, le nom du successeur des lauréats des deux premières éditions sera dévoilé. 
2021-2022, Antoine Wauters pour Mahmoud ou la montée des eaux publié aux éditions Verdier
2022-2023, Mathieu Belezi pour Attaquer la terre et le soleil aux éditions Le Tripode. Cet ouvrage a été envoyé à chaque CDI des lycées de l’académie.

Calendrier

  • Vendredi 24 novembre : date limite de candidature
  • Lundi 18 décembre : la composition du jury est établie
  • Mercredi 10 janvier : installation du jury et annonce des dix romans francophones en compétition
  • Mercredi 7 février : réunions départementales du jury
  • Mercredi 13 mars : les écrivains rencontrent les jurés
  • Mercredi 24 avril : réunions départementales du jury
  • Mercredi 15 mai : délibération du jury
  • Date à venir : remise du prix

Mise à jour : avril 2024